LE NOUVEL UNIFORME BLEU HORIZON

<= L'armée française de l'été 14


C'est le ministre de la guerre Messimy qui prend la décision de changer l'uniforme français, par un décret du 27 juillet 1914, afin d'adopter des couleurs plus ternes et une coupe plus adéquat. Il est bien sur trop tard et les premiers combats se feront avec l'ancienne tenue. C'est aprés la victoire de la Marne que l'état-major décide d'adopter la couleur bleu horizon, mélange de laine blanche (35%), bleue foncée (15%) et bleue claire (50%). La réforme est immense et l'armée française présentera un aspect trés dépareillé jusqu'à la fin 1915, à cause des solutions de fortune adoptées dans l'urgence, des modifications portées aux anciens uniformes, des modifications apportées aux nouveaux effets, des pénuries et de la lenteur des approvisionnements. Témoignage du légionnaire Blaise Cendrars:

Nous avions touché le Képi, le fameux "pot de fleur", et portions la capote d'infanterie de ligne. L'intendance était démunie, on nous avait distribué des vareuses des pompiers de la ville de Paris et des pantalons bleus d'artilleurs, à larges bandes rouges. Ces pantalons eurent le don d'exaspérer le général de Castelnau quand nous montâmes en ligne... Alors, aussitôt descendu de Rosières où nous avions fait de si brillants débuts, on nous fit découdre nos pantalons et arracher ces larges bandes rouges réservées aux artilleurs. Or, ces pantalons étaient de première qualité et façonnés comme on ne le fait plus; les bandes rouges prises dans la couture étaient aussi largement ourlées à l'intérieur qu'elles étaient étalées à l'extérieur. Il fallut défaire et arracher tout ça, et comme la plupart des hommes ne savaient pas coudre, le résultat de ce beau travail fût que nous passâmes l'hiver en loques, les coutures béantes ou ne tenant pas, laissant voir la peau, maintenues par des épingles à nourrice et des agrafes faites avec des bouts de fil de fer, les jambes du pantalon faisant des plis en accordéon, des boursouflures aux genoux et des crevés aux cuisses. En décembre nous touchâmes des pantalons rouge garance, puis, huit jours plus tard, des housses en toile bleue à revêtir par dessus pour cacher ce rouge par trop voyant. Puis, dans les mois suivants, et de quinze jours en quinze jours, tous les modèles de tenue que les tailleurs des bureaux de l'intendance imaginaient au ministère à Paris pour moderniser l'aspect extérieur du pioupiou français, trouver un modèle adéquat aux nécessités de la guerre et des teintes de camouflages allant du jaune de Naples sali au blanc crayeux, en passant par toutes les nuances fanées ou rouillées du réséda et du kaki avant d'opter définitivement pour le bleu horizon. Jamais nous n'avons vu autant d'officiers supérieurs s'occuper de nous. Je ne sais pas pourquoi notre régiment - et spécialement notre 6° compagnie - fut spécialement choisi pour servir d'expérience à ces fantaises vestimentaires. Mais comme ces nouveaux effets n'arrivaient que par petits paquets, nous ne fûmes jamais plus de deux poilus à être habillés de façon identique, si bien que nous faisions tâches et que sur la route le régiment-caméléon défilait maintenant comme une mascarade versicolore, et je ne sais pas ce que le général de Castelau en eût alors pensé... Seulement quel gachis! Chaque fois que l'on changeait de tenue, on brûlait la précédente, même si elle n'avait été portée que huit jours, et quand à la fin du printemps tout le régiment fut uniformément habillé de la tenue bleue horizon, le régiment fût versé dans la Légion et nous touchâmes l'uniforme kaki de la Légion d'Afrique (division marocaine) et la tenue bleue horizon que le régiment venait de revêtir fût également brulée quoique toute neuve - Blaise Cendrars - La main coupée - Plein-de-soupe

Automne 1914: entre anciens et nouveaux effets:

Entre anciens et nouveaux effets

Fantassins français vers 1915:

Fantassins français vers 1915

Le fantassin de 1915 (à gauche) et de 1916 (à droite) par Georges Scott:

Fantassin de 1915 par Georges Scott     Fantassin de 1916

Fantassin français vers 1916-1917:

Fantassin avec son nouvel uniforme


Le pantalon: les premières mesures concernent le pantalon. Les soldats adoptent un sur-pantalon de couleur bleue afin de dissimuler le pantalon garance et aussi de le protéger de l'usure. Ceux qui n'en ont pas encore doivent porter les plis de la capote 1877 défaits. Des pantalons de confection civile sont aussi utilisés.

En décembre 1914 la forme du nouveau pantalon-culotte est arrêtée: il s'arrêtee sous les genoux et ferme par un lacet ou des boutons. Le bas des jambes est protégé par des bandes molletières en laine de teinte bleu horizon. Toutefois plusieurs teintes seront utilisées avant le bleu horizon (notamment brun, beige ou bleu gris), car la capote est prioritaire pour le nouveau drap. La culotte bleu horizon n'est distribuée massivement que vers le second semestre 1915.


Bandes Molletières: Entre 1880 et 1914 ce curieux dispositif avait connu une vogue extraordinaire et presque toutes les armées du monde l'avaient adoptés. En France il avait été limité aux chasseurs alpins puis étendu aux compagnies cyclistes. A la fin 1914 ce dispositif est généralisé à toute l'armée française en remplacement du guétron de cuir noirci.
La capote: La première mesure sera de confectionner l'ancienne capote avec le nouveau drap. En novembre 1914 la nouvelle capote Poiret est distribuée. Elle n'a qu'une rangée de six boutons modèle 1871 (bientot remplacés par des boutons en aluminium, voire fer blanc ou zinc), deux poches poitrinaires et une intérieure en bas à droite pour le paquet de pansements, ainsi qu'un col pouvant être relevé par grand froid. De coupe plus simple que le modèle précédent, donc moins onéreuse, elle est aussi plus pratique et plus confortable.

En 1915 on ajoute deux poches de hanches en toile renforcée fermant par un rabat à deux boutons, ceci pour permettre d'emporter des munitions supplémentaires. De plus les problèmes d'importation et de production ayant été résolus, les teintes sont uniformes et correspondent au bleu horizon réglementaire

On en revient par la suite à la double rangée de boutons (capote croisée) car cette disposition permet de mieux protéger du froid et de l'humidité. Décidée en aout 1915 cette disposition ne sera vraiment généralisée que vers l'automne 1916. les boutons sont alors en fer blanc demi-bombés frappés d'une grenade, et peints de couleur grise ou bleue clair. Les poches de poitrine sont supprimées, les poches de hanche sont renforcées. Ce modèle restera en service jusqu'à l'armistice. 


La coiffe: le képi garance est lui aussi obsolète et cette coiffe doit être réformée. La première mesure est de largement produire le couvre képi, puis de produire l'ancien modèle dans le nouveau drap. Un nouveau modèle de coupe plus simple est finalement produit (képi modèle 1915), avant d'être remplacé par le casque Adrian, infiniment plus adapté à la guerre des tranchées. 

Képi modèle 1884 taillé dans le nouveau drap (un approchant en fait) et képis modèle 1915 (à droite):

    


Effets en cuir: L'état-major décide de remplacer la couleur noire par la couleur fauve, ce qui ne sera généralisé que vers la fin 1915. Le ceinturon modèle 1845 est quant à lui peu à peu remplacé par le modèle 1903 à deux ardillons beaucoup plus commode. 
Les insignes distinctifs: une couleur est adoptée pour chaque arme, et utilisée notamment pour les passepoils des culottes ainsi que pour les insignes de col: 

Couleurs distinctives par bataillons et compagnies:

Au début les pattes de collet étaient celles de la capote 1877 recousues sur la nouvelle (fond garance et insigne gris de fer bleuté). Puis l'état major les fit dans la couleur citée ci-dessus avant de trés vite les remplacer par des pattes de couleur bleu horizon, moins voyantes. En janvier 1917 la forme rectangulaire est abandonnée au profit d'un losange. 

Les grades sont portés en bout de manche et formés d'une bande de tissu de couleur or. Les grades de 1ère classe et de caporal sont bleu foncés et obliques.

En avril 1916 sont instaurés les chevrons d'ancienneté, pour honorer les soldats présents depuis longtemps au front. En forme de V renversés de la couleur du galon, ils se portent en haut du bras gauche. Dans le même esprit sont créés des chevrons de blessures, portés au bras droit.

Insignes sur les casques:

Symbole de l'infanterie, de l'artillerie et de l'infanterie coloniale:


Symboles du génie, des chasseurs et du service de santé des armées:

Insignes de spécialités: les insignes sont en bleu foncé sur bleu horizon, sauf mention contraire. Pour les chasseurs à pied ils sont verts sur bleu foncé, et kaki foncé sur kaki pour l'armée d'Afrique


Equipement réglementaire: avec la guerre de position le fantassin adopte un paquetage d'assaut, abandonnant le havresac pour ne garder sur lui que le strict nécessaire, soit le ceinturon, les bretelles de suspension, le porte baïonnette, les poches à cartouches, la gamelle, l'outillage portatif ainsi que la musette modèle 1892 contenant les rations. A cet équipement est rajouté une deuxième musette pour l'emport des grenades, deux bidons de 2l, ainsi que quelques sacs de terre vides pour aménager la position conquise. Enfin, suivant le modèle allemand la tente abri est modifiée par l'ajout de cordons de cou et de ceinture afin d'être utilisée comme vêtement de pluie. Non utilisée elle est roulée avec le couvre-pieds en laine et portée en sautoir. S'y intégre ensuite deux masqus à gaz.

paquetage réglementaire


Fantassin, mitrailleur chauchat et cavalier (musée des invalides) :

         

Tirailleur algérien avec sa nouvelle tenue n'ayant presque rien conservé de l'ancienne et prestigieuse tenue à l'orientale: Une chéchia bleu horizon a bien été prévue et effectivement portée en 1915 (notice du 9 décembre 1914), mais on est vite revenu à la couleur traditionnelle, cependant recouverte en campagne d'un couvre-chéchia en toile kaki-sable

Tirailleur algérien en nouvelle tenue

Fusilier mitrailleur de la légion étrangère en tenue d'assaut - 1918

Légionaire en tenue d'assaut en 1918

Spahi marocain - nouvel uniforme:


Le Poilu par Raymond Desvarreux:

Le Poilu


Source:  Site Les français à verdun 1916
Musée de l'armée - Paris